La vision philosophique classique, dont Victor Hugo s'est fait l'écho avec force, considère l'éducation comme le bouclier de l'humanité contre la barbarie et l'injustice. L'affirmation de Hugo selon laquelle "Chaque enfant que nous éduquons est une âme gagnée" ne conçoit pas l'apprentissage comme une simple acquisition de faits, mais comme la formation d'êtres humains compatissants et responsables. Cet idéal des Lumières suggère que la connaissance est notre première défense contre les pulsions les plus sombres de la société. Cependant, les événements tragiques du XXe siècle, notamment l'Holocauste, ont compliqué cette vision optimiste. Comme l'ont noté des penseurs tels que George Steiner, une culture profonde et un savoir élevé ont existé à proximité d'un mal profond, démontrant ainsi que l'éducation seule n'est pas une protection infaillible. Cette réalité marque une condition essentielle de notre monde post-moderne, où la croyance traditionnelle dans le savoir comme protecteur garanti a été remise en question de manière dégrisante.
Dans les tendances éducatives contemporaines, on observe une évolution vers un modèle d'apprentissage trop individualiste. Cette approche, qui s'inspire d'une mauvaise interprétation du dialogue socratique, donne la priorité à l'épanouissement personnel et à l'autonomie, parfois au détriment de la transmission d'une sagesse plus profonde et d'un savoir établi. Lorsque l'éducation devient uniquement centrée sur la découverte de soi et le divertissement, elle risque de laisser les étudiants sans les outils nécessaires pour s'engager de manière significative dans le monde. La véritable éducation, telle qu'elle est comprise à Collège Champittet, implique altérité-l'engagement crucial avec les idées, l'histoire et les héritages qui précèdent et survivent à l'individu. Le rôle de l'éducateur est de 'sortir' (ex-ducere) les élèves d'une mentalité autosuffisante, en leur donnant les clés pour naviguer et construire le monde. En s'engageant dans cette mission de transmission, l'école croit pouvoir gagner des âmes, en formant des jeunes capables d'une pensée raisonnée et d'une création éclairée, prêts à construire l'avenir plutôt qu'à l'affronter.
